samedi 1 novembre 2014

Paul McCarthy, "Chocolate Factory" à la Monnaie de Paris


Quoi de plus féérique qu'une fabrique de pères Noël en chocolat ? Certes, lesdits pères Noël tiennent à la main quelque chose qui ressemble fort à un sextoy ; certes, la fabrique se trouve dans un décor de cinéma récemment utilisé pour représenter une maison close, et les lutins qui la font tourner portent des perruques blond platine qui n'évoquent pas l'innocence ; certes, la fabrique, à force de fonctionner, produit une armée de pères Noël qui finit par être inquiétante...






L'exposition accueillie par la Monnaie de Paris constitue une subversion terriblement puissante du mythe de Noël. 
Une usine dans l'usine (la Monnaie est, historiquement, la première manufacture au monde - elle date du XIe siècle), pour inaugurer une série d'expositions d'art contemporains dans cet édifice.
Située dans le salon Dupré, tout juste rénové, l'exposition se compose de plusieurs installations déjà exposées séparément et réunies pour la première fois.






En haut de l'escalier d'honneur, qui permet d'atteindre la billetterie, le visiteur découvre une série de sextoys géants, frères du Tree de la place Vendôme.








On entre alors dans la seconde installation, la "chocolate factory" à proprement parler : une véritable usine de chocolat est installée, dans le grand Salon, à l'intérieur d'un décor de cinéma.





On peut ainsi observer, par les fenêtres (impossible d'échapper à la sensation de voyeurisme), le chocolat fondre dans les cuves, puis, mis en moule, sécher (sur la vidéo). Tout le travail est accompli par des Performers, partie prenante de l'installation, affublés de perruques et d'un uniforme qui, à tout le moins, les désindividualise.





Charmé par l'irrésistible parfum de chocolat, on songe à peine à s'étonner de ces détails.

Les Performers rangent sur des charriots les figurines en chocolat (Santas et Trees), pour les emporter dans les pièces attenantes au Grand salon.










On entre alors dans la troisième installation : dans une suite de salles plus petites se déploie "Dreamscape" : au fil des salles, on se perd dans un labyrinthe d'étagères géantes couvertes de milliers de figurines en chocolat, alors que sur les murs est projetée, en plusieurs exemplaires, la vidéo d'une performance filmée de Paul McCarthy, lequel couvre de grandes feuilles de papier de formules répétées, blasphématoires ("Are You the artist ?" "Fucking american") et quasi incantatoires, ainsi que des dessins obcènes ou scatologiques. Les feuilles sont ensuite scotchées au mur.







La vidéo, démultipliée sur les murs, est accompagnée d'une bande-son jouée à un volume très fort, enregistrement des paroles écrites et de râles, véritables éructations sonores, émis par l'artiste.





L'ensemble, très vite, devient oppressant. Les fenêtres couvertes de miroirs renvoient les mêmes images à l'infini, et les odeurs de chocolat sont désormais écoeurantes.




Au fil des pièces, de nouveaux éléments apparaissent : des lits entassés, qui évoquent l'inconscient et le rêve (ou plutôt le cauchemar), des moules de Père Noël géant, ou encore des chaînes de production d'usine. Une table de travail, un pot de chocolat fondu, rappellent le travail de l'artiste.






Au terme du parcours, Noël, le chocolat, l'enfance et l'émerveillement n'existent plus ; leur a succédé un énorme malaise, d'autant plus puissant qu'il est aussi sensoriel qu'intellectuel.


Point fort de l'exposition, la présence de médiateurs culturels, qui permettent de discuter de l'oeuvre dans un groupe d'une dizaine de personnes : quelques pistes d'interprétation sont livrées, à partir des remarques et questions des visiteurs.
Ainsi, la violence de la vidéo est due à ce que la performance a été réalisée et filmée juste après l'agression dont Paul McCarthy a été victime place Vendôme. Les installations exposées sont également mises en relation avec d'autres oeuvres de l'artiste et les thèmes qu'il visite régulièrement, notamment les relations entre création artistique et production en série.


Cette exposition nous a franchement marquées et nous vous la recommandons vivement : il n'est pas si fréquent d'être à ce point sollicité par les sensations dans un lieu culturel, ni d'assister à un tel renversement de valeurs.
La visite, médiation culturelle comprise, vous prendra environ une heure, et ceux qui auront résisté à l'expérience pourront même acheter un des pères Noël en chocolat à la boutique (pour la modique somme de 50€), pour le plaisir de déguster une oeuvre d'art...


Jusqu'au 4 janvier 2015.
Tous les jours de 11h à 19h ; le jeudi, jusqu'à 22h.

11, quai de Conti, Paris 6e ; métros Pont-Neuf, Saint-Michel, Odéon, Mabillon.
Le site de l'exposition déconseille de venir avec des enfants ou des adolescents.

Site de la Monnaie de Paris 
Site de l'exposition



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